de Kornel Mundrczo
avec Orsi Toth et Félix Lajko
La révélation de cet été,
suite à la projection sur grand écran
de ce bijoux du cinéma hongrois
et à la rencontre avec le réalisateur et l'actrice.
Grâce et Cruauté. Douceur et Apreté.
Ce film d'une beauté visuelle époustouflante laisse le temps aux émotions de s'installer,
aux personnages de trouver leur identité,
par jeux de regards ou frôlements de corps.
Les yeux des acteurs sont chargés d'une telle intensité
que les mots en deviennent inutiles et dérangeants.
La parole reste confinée dans le village, le domaine public,
car la relation particulière qui se tisse entre les deux héros
n'a pas besoin et surtout ne peut pas être nommé.
Ce sont les non-dits, les gestes délicats et les perturbations infimes
dans les attitudes qui créent cette ambiance d'une grande douceur
et d'un érotisme délicat.
Ce monde en parallèle que se construisent les jeunes gens,
cet espace intime, flottant, qui lie le frère et la soeur,
se heurte au monde social avec ses tabous
et son esprit communautaire d'une extrême violence.
L'amour entre frère et soeur devient l'interdit suprême
qui déclenche des réactions beaucoup plus violentes.
(Viol, meurtre et humiliation)
Dès le premier plan, ces deux opposés s'entrechoquent
par le biais des rapports entre l'image et la bande son :
Un bateau avance doucement dans la lumière de l'aube
avec sa palette de bleus et d'orangers sublimes.
Mais ce long travelling qui plonge le spectateur dans une torpeur fascinante
est brisé par le son strident d'une sirène :
c'est l'arrivée sur la terre ferme.
Le film ne cesse de tisser, dans une dialectique poétique,
des liens délicats et complexes
entre ces deux espaces, ces deux visions du monde.
Brisant les rythmes et les ambiances, Delta heurte et remue
par sa violence et par sa beauté.
L'oeuvre s'écoule comme les corps dans l'eau
et les barques s'éloignant vers le bout du monde,
celui des morts, métaphore du Styx, fleuve des Enfers.
Tout semble converger irrémédiablement vers cette fin,
sublime par sa grandeur alliée à sa dérision :
l'image déchirante du gilet de sauvetage orange vif, flottant comme un corps mort,
dans ce décor bleu/gris et qui suit la même route que la barque funéraire.
Cette histoire aux allures de tragédie grecque,
laisse ses héros lutter contre la fatalité dans une nature idyllique,
digne d'un paradis perdu.
Ce décor naturel sublime possède aussi en lui une part de barbarie,
à l'image des gueules usées des pêcheurs soudain magnifiées par la lumière
qui leur donne l'épaisseur des sages antiques.
SUBLIME
tournezcoupez, Posté le lundi 03 septembre 2012 06:54
Intense et beau...